Quatorze ans. Quatorze ans que je n’ai pas remis les pieds en Ecosse. A vrai dire, je n’y étais allé qu’une seule fois, en avril 2003. Un road-trip de huit jours, avec seulement deux randonnées. Et depuis près d’un an, je rêve ardemment de ces immenses étendues sauvages, de ces paysages de landes, de lacs et de montagnes à perte de vue, et surtout de ces redoutables munros qui se dressent fièrement et dominent, du haut de leurs pentes abruptes, le coeur des Highlands. Là, je vous entends déjà murmurer la question: qu’est-ce qu’un munro ?
Les Brittaniques sont passés maîtres dans l’art de créer des listes de sommets. Ces listes sont concoctées en prenant en compte non seulement l’altitude, mais aussi la proéminence d’un sommet, c’est-à-dire la hauteur qui sépare le sommet en question du point le plus haut (par exemple un col) situé entre celui-ci et le sommet plus élevé le plus proche géographiquement… Vous me suivez (car j’avoue que c’est un peu complexe…) ? Enfin bref, outre ces critères, certaines listes ont été élaborées par des passionnés, véritables pionniers de la randonnée moderne, selon des critères plus subjectifs. Par exemple, Alfred Wainwright (1907-1991) a établi dans les années 1950/60 une liste de 214 sommets du Lake District (Angleterre), plutôt en fonction de leur présence dans le paysage qu’en fonction de leur proéminence: ce sont les wainwrights.
Avant lui, Sir Hugh Munro (1856-1919) avait établi une liste, présentée en 1891, de 282 sommets écossais distincts de plus de 3000 pieds (914.4m), selon des critères d’altitude et de proéminence qui lui sont propres (c’est-à-dire sans véritable mesure): ce sont les munros.
Le « hill-bagging » -ou « peak-bagging », soit le fait de « collectionner » (littéralement, « mettre dans le sac ») des sommets- est un sport national en Grande-Bretagne, mais aussi en Irlande, le pays dans lequel mes aventures de « peak-bagger » ont vraiment commencé. Après quelques courtes randonnées effectuées en 1996/97 lors de mon premier séjour en tant qu’étudiant, j’ai commencé à prendre goût au « peak-bagging » en septembre 2005, lors d’un séjour dans le Connemara. L’année suivante, je faisais ma première ascension de Carrauntoohill, point culminant de l’Irlande avec ses 1038m. Mais c’est seulement à la fin de l’été 2012 que je ressors mes vieilles cartes de randonnée avec dans l’idée de repérer les sommets de plus de 500m. Puis je tombe par hasard sur le site génial de http://mountainviews.ie/ , qui possède toute une série de listes de sommets, dont une de ceux de plus de 500m (570 au total, dont 245 à mon actif à l’heure où j’écris cet article). Et ce fut ainsi tout naturellement que je me tournai, plus récemment, vers la Grande-Bretagne et ses wainwrights, munros, etc…
Ce retour en Ecosse était donc pour moi l’opportunité de m’essayer au « munro-bagging ». Un peu plus de 6000 personnes ont déclaré avoir gravi les 282 sommets, auprès de la Munro Society, qui tient à jour une liste de ceux qui ont donc complété leur « munro round ». Autant vous dire que c’est une chose sérieuse en Ecosse !! Et sur le terrain aussi, d’ailleurs. En effet, malgré leur altitude relativement modeste par rapports aux standards européens (Ben Nevis, point culminant des Iles Brittaniques ne s’élève qu’à 1345m), les munros dévoilent un environnement évoquant la haute montagne. Les points de départ pour les rallier sont en général situés à basse altitude, parfois proches du niveau de la mer, et les sommets sont pour certains extrêmement isolés, nécessitant d’étaler le parcours sur deux jours. De plus, il n’y a pas forcément de sentier menant au(x) sommet(s) et il faut donc savoir faire du « hors-piste » à travers d’immenses étendues de lande humide, parfois détrempée -terrain de prédilection des « midges », ces maudits moucherons qui vous dévorent vivant (j’exagère un peu là, mais pas beaucoup)- et sur des crêtes rocheuses impressionnantes nécessitant régulièrement l’usage des mains.
Certains sommets de l’île de Skye -notamment le célèbre Inaccessible Pinnacle, mais aussi d’autres comme Sgurr nan Gillean et Am Basteir (voir photo ci-dessous)- restent même hors de portée du commun des randonneurs…
Et puis il y a la météo, très changeante. La pluie qui rend la roche glissante, transforme la lande en tourbière et fait gonfler les cours d’eau, les rendant impassables; la neige, qui peut tomber à n’importe quel moment de l’année et peut recouvrir les sommets jusque tard dans la saison; le brouillard ou les nuages bas, qui rendent l’orientation particulièrement délicate; et enfin, le vent, sans doute le pire ennemi, qui vous épuise, et parfois si violent qu’il peut parfois littéralement vous balayer et vous faire basculer dans le vide.
Grimper un munro -et a fortiori plusieurs- est un véritable test d’endurance et requiert une certaine préparation. Il faut évidemment être correctement équipé, bien vérifier la météo, bien se renseigner à l’avance sur les difficultés que peuvent présenter l’ascension, bien planifier son parcours -le site https://www.walkhighlands.co.uk/ regroupe plein d’infos utiles- en se ménageant autant que faire se peut des « sorties de secours », qui permettront d’écourter la randonnée et de descendre se mettre à l’abri des intempéries si la météo venait vraiment à se gâter. Bien entendu, à part sur certains parcours très fréquentés et ayant de bons sentiers (Ben Nevis, Ben Lomond,…), il est fortement déconseillé de partir seul si l’on n’a pas un tant soit peu d’expérience sur ces terrains typiquement brittaniques. Et si l’on décide de partir seul, mieux vaut le faire savoir à quelqu’un.
Jusqu’ici, le seul munro à mon actif était donc Ben Nevis (1345m). Une sacrée montée, puisque l’on commence à environ 30m d’altitude, rendue cependant facile par la présence d’un bon sentier bien entretenu. Pas de quoi prétendre être expérimenté, donc. Non, mon expérience sur ces terres essentiellement composées de tourbe, d’eau et de roche, je la tire de mes nombreux et récents séjours en Irlande. Mon brin d’expérience de la haute montagne vient lui de mes quelques ascensions de hauts sommets pyrénéens.
A part dans les McGillicuddy’s Reeks, où se trouve son point culminant Carrauntoohill, l’Irlande offre peu de profils comparables à de la haute montagne. C’est par contre, de mon point de vue personnel, une excellente école pour apprendre à s’orienter hors sentiers, étant donné que ces derniers y manquent cruellement à l’appel. Un exercice qui met à l’épreuve à la fois le physique et le mental, étant donné les terrains variés et la météo très changeante, qui exigent de s’adapter sans cesse et d’être constamment vigilant. Et même s’il n’y a souvent que peu de dénivelé à monter d’un coup, on est bien loin de la randonnée confortable sur sentier balisé !!
Si l’Angleterre et le Pays-de-Galles n’offrent, à l’instar de l’Irlande, que peu de profils de haute montagne, l’Ecosse compte, quant à elle, des dizaines de crêtes montagneuses vertigineuses, séparées par de profondes vallées ou des bras de mer parfois difficiles d’accès. Ce sont les fameux Highlands. Au fur-et-à-mesure que je pêche des informations pour mon voyage, certains noms magiques -et parfois imprononçables !!- reviennent sans cesse: Ben Lomond, Skye, Bla Bheinn, Glencoe, Bidean nam Bian, Buachaille Etive Mor, Aonach Eagach, Liathach, Cairngorm,… Il était grand temps que j’aille me rendre compte par moi-même, que j’aille me frotter à ces munros dont les noms font à la fois rêver et frémir !!
Ce samedi 10 juin 2017, je suis l’A82 qui longe Loch Lomond puis s’échappe vers le nord. Et soudain, le paysage grandiose de Rannoch Moor, immense plateau constellé de lacs et entouré de montagnes, s’ouvre devant moi. L’interminable ruban d’asphalte est pratiquement la seule trace de civilisation. Je me sens vraiment tout petit !! Puis, un peu plus loin sur la gauche, marquant l’entrée de la vallée de Glencoe, une muraille de roche attire l’oeil telle un aimant: Buachaille Etive Mor (« le Grand Berger d’Etive », du nom d’une vallée perpendiculaire), la montagne la plus photographiée d’Ecosse, dont le sommet principal, Sgurr Dearg, culmine à 1022m.
Me voilà donc arrivé dans cette autre dimension, dont je rêve depuis près d’un an; me voilà, à la fois intimidé, ému et béat d’admiration, prêt pour de nouvelles aventures dans des paysages d’une beauté à couper le souffle; me voilà seul, prêt à affronter les extraordinaires munros, prêt à vivre pleinement mon rêve écossais…
La suite dans le prochain article… 😉
Salut David,
Je ne sais si tu te souviens de moi, dans le doute demande à Roger ou à Pat. Cela fait environ 20 ans déjà…*Perdu de vue* !!
C’est Ingrid qui m’a donné les coordonnées de ton blog. Elle est venue voir son Papa, qui a une santé quelque peu défaillante.
Ingrid, mariée, deux filles Sidney
Karen, mariée, deux filles, Singapour
Je te laisse mes coordonnées, si toi ou tes parents…cela me ferait très plaisir de correspondre.
boillon.pierre@gmail.com
06 12 40 26 59
A bientôt
Pierre